• Chroniques du Temps passé

    Les chroniques du temps passé

     1/ Les robes noires de Mémère Marie

    2/ Le clairon de l'oncle Jules

    3/ Le pain d'alouette de Pépère Jeremy

     

    Les robes noires de  Mémère Marie

        La cité des Brebis, dans le bassin minier (Pas-de-Calais) était une cité très accueillante, j'ai le souvenir d'une pimpante cité fleurie, où il y avait une certaine convivialité. Ses habitants travaillaient à la mine et quand ils rentraient chez eux après de longues heures passées au fond pour extraire le charbon, les hommes passaient leur temps libre dans leur petit jardin situé souvent de l'autre côté du coron, juste devant leurs maisons.

       Et pourtant ses habitants ont connu des heures terribles durant la dernière guerre, les bombardements incessants visaient à détruire les installations permettant l'extraction du charbon.

       Ma famille est originaire de cette cité. Ma mère y vivait avec ses parents et ses grands -parents maternels.

       Et voilà l'anecdote que je veux vous conter :

    Mémère Marie, mon arrière grand-mère, avait décidé de laver les 4 robes noires qu'elle possédait mais à cette époque point de savon, non, pour garder à la couleur noire toute sa profondeur, elle utilisait des feuilles de lierres qu'elle faisait bouillir et se servait de l'eau de cuisson pour le lavage. Ma mère, alors petite fille était chargée de cueillir les précieuses feuilles, la petite lessive eut lieu, les robes furent accrochées dans le jardin avec beaucoup de solennité, sur l'envers, un peu à l'ombre pour que le soleil ne les fasse pas verdir...

      Mais en ce jour de septembre 1943, la cité des Brebis fut l'objet d'un bombardement particulièrement violent et désastreux, 27 personnes y perdirent la vie. Ma mère m'a raconté qu'autour de chez eux, ce n'était que des cratères, des maisons pulvérisées, des voisins tout hébétés de ce déluge assourdissant pleurant leurs morts, la perte de leurs maisons et de leurs souvenirs. La maison familiale n'avait pas été touchée.

      A n'en pas douter la solidarité joua son rôle parmi les voisins dans la cité. Bref, le soir Mémère Marie se souvint de ses robes accrochées dans le jardin. Quelle ne fut pas sa stupeur quand elle découvrit ses précieuses robes toutes réduites à l'état de dentelle. Les éclats d'obus, les objets projetés lors des explosions les avaient complètement lacérées !

      Mon aïeule, pourtant très préoccupée de son apparence, maugréa "Mais quelle idée j'ai eu de faire ma lessive aujourd'hui. Mais bon, nous aurions pu vivre un plus grand malheur encore !

     

    Une autre histoire de famille : le clairon de l'oncle Jules

    Alexandre, mon arrière grand-père avait été chargé lors de l'une de ses permissions de ramener à sa famille les quelques souvenirs  de Jules, son camarade d'enfance mort au front lors de la bataille de Verdun en 1916.

    Mon aïeul, s'étant acquitté de son ingrate mission, repartit vivre sa dure vie de soldat...

    Le clairon ramené  du front  revenait de droit à l'aîné de la fratrie de Jules mais ce dernier, prénommé Edouard fut victime d'un accident lors d'une fête foraine. Le clairon changea à nouveau de propriétaire et  devint la propriété de Marcel devenu à son tour l'aîné des garçons.

    Mon arrière grand-père Alexandre, à l'issue de cette terrible guerre 14/18, revint dans sa famille  et put voir grandir sa fille chérie, Florine.

    Le temps passa et parfois le hasard de la vie fait que 2 familles se rejoignent. C'est ce qui arriva à Marcel, le détenteur du clairon et Florine , la fille du copain mort à la guerre. 3 fils naquirent de cette union dont mon père à qui on donna le prénom du frère  mort pour la France et surtout pour Alexandre, le prénom du copain d'enfance.

    Mon père était fier de ce prénom qui lui venait de ce Héros devenu familial par alliance et dont il avait entendu maintes fois les  exploits lors des veillées autour de la table familiale.

    Le temps passa, le clairon avait été relégué au fond d'un appentis, ma grand-mère (Florine) n'était pas sentimentale. Elle se sentait peut-être exclue des conversations entre Alexandre, son père et Marcel, son mari.

    Devenu adulte, mon père débarrassas un jour l'appentis et retrouva ce fameux clairon. Ayant eu des 'mots' avec sa mère peu de temps avant, il décida de se l'approprier en souvenir de cet oncle dont on lui avait si souvent raconté l'histoire.

    Musicien dans l'âme, mon père collectionnait les instruments de musique et c'est tout naturellement que le clairon reprit sa place d'honneur dans la maison.

    Quel ne fut pas le scandale quand la famille  vit ce clairon, nettoyé, brillant de tout son cuivre ; Quoi mon père avait osé dépouiller la famille de ce bien précieux, souvenir d'un héros de la grande guerre, ce clairon ne revenait-il pas de droit à son frère aîné etc, etc. Alexandre et Marcel étant décédés, je pense que mon père a eu à coeur de remettre les choses dans leur contexte....

     

    Anecdote annexe

    A l'époque, dans les cités minières, les murs de l'école des filles étaient tous couverts de grandes plaques de marbre sur lesquelles étaient gravés des noms, les noms des héros morts pour la France.  Petite fille, avec des camarades de classe, nous nous amusions à lire ces interminables listes sans trop comprendre le sens de ces épitaphes.

    Je vous laisse deviner ma stupeur quand j'y ai lu Jules D... mort pour la France. Ce jour là, je vous assure que je suis bien vite rentrée chez moi pour me rassurer et vérifier que mon père était bien à la maison !

     

     

     

     

     

     

     

     


  • Commentaires

    1
    Mardi 25 Février 2014 à 09:11

    Bonjour,

    Parler des siens c'est les ramener à la vie.

    L'oubli est un des maux de notre civilisation actuelle, il ne faut pas oublier c'est si facile.

    2
    Mardi 25 Février 2014 à 19:00

    Merci beaucoup de votre commentaire, cela me conforte dans cette envie de raconter pour les générations futures.

    C'est dans le cadre des futures commémorations de la guerre 14/18, que ma maman en est venue à rencontrer des personnes  qui mettent en valeur l a vie  dans les cités minières et les souvenirs des habitants. Quand je l'ai informée que j'allais écrire son anecdote sur mon blog, elle a éclaté de rire. Mais m'a-t'elle dit,  qui veux-tu intéresser avec mes histoires !

    En ce qui me concerne, ayant été très proche de ma famille, je ressens le devoir d'être un relais entre ce que j'ai entendu lors des réunions familiales et les générations suivantes qui n'ont pas eu, pour diverses raisons, la transmission de cet enseignement. 

    A bientôt donc pour d'autres bribes de vies

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